Proposition de loi sur la portabilité des prêts immobiliers : où en sommes-nous vraiment en 2025 ?
Imaginez pouvoir vendre votre appartement et acheter une maison plus grande, tout en conservant le taux avantageux de votre crédit initial. C'est précisément l'ambition de la proposition de loi n°2583 sur la portabilité des prêts immobiliers. Mais entre promesses législatives et réalité du terrain, quel est le véritable état d'avancement de ce texte en octobre 2025 ?
Comprendre la portabilité d'un prêt immobilier
La portabilité permet à un emprunteur de maintenir les conditions de son prêt (notamment son taux d'intérêt) lorsqu'il vend son bien pour en acquérir un autre, plutôt que de solder son crédit actuel et d'en souscrire un nouveau. Aujourd'hui facultative et rarement proposée par les établissements bancaires, cette clause pourrait devenir obligatoire si la proposition de loi portée par le député Damien Adam était adoptée.
Concrètement, vous auriez la possibilité de transférer votre prêt existant sur votre nouveau logement, de conserver votre taux initial s'il reste plus favorable que les conditions actuelles du marché, et de compléter si nécessaire avec un financement additionnel pour couvrir la différence de prix entre les deux biens.
Ce que prévoit exactement le texte de loi
La proposition de loi n°2583, déposée le 2 mai 2024 par le député Damien Adam, comprend un article unique qui modifierait le Code de la consommation. Cette modification imposerait aux banques de mentionner systématiquement dans leurs offres de prêt le droit pour l'emprunteur de maintenir les conditions de son crédit en cas de revente pour acheter un autre bien.
L'objectif affiché est double : fluidifier un marché immobilier grippé par la hausse des taux d'intérêt et éviter aux emprunteurs de perdre le bénéfice d'un taux historiquement bas négocié par le passé. Le texte vise également à leur permettre d'éviter les pénalités de remboursement anticipé, qui peuvent représenter des sommes importantes.
Les trois avantages principaux mis en avant par le député sont simples : conserver un taux avantageux négocié avant la hausse des taux, simplifier considérablement les démarches administratives lors d'un second achat, et contourner les pénalités liées au remboursement anticipé du premier prêt.

Statut actuel de la proposition : une mise entre parenthèses
Le texte a été déposé le 2 mai 2024 et renvoyé devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Toutefois, son examen a été suspendu suite à la dissolution de l'Assemblée à l'été 2024. En octobre 2025, le constat est sans appel : la proposition n'a toujours pas été adoptée. Son avenir reste incertain et dépendra de la volonté des députés de la remettre à l'ordre du jour.
Dans l'intervalle, la portabilité demeure une clause facultative, rarement intégrée aux contrats de prêt. Aucune obligation légale ne contraint les banques à l'offrir, et la pratique reste marginale sur le marché français du crédit immobilier.
Un débat qui divise professionnels et établissements bancaires
Cette proposition suscite des réactions contrastées entre les différents acteurs du secteur immobilier et financier.
D'un côté, les organisations professionnelles comme la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier) soutiennent activement cette mesure. Les notaires et de nombreux acteurs immobiliers y voient un levier efficace pour relancer les transactions et sécuriser le parcours résidentiel des ménages. Pour eux, permettre aux propriétaires de conserver un taux négocié à 1% ou 1,5% lorsque les taux actuels dépassent les 3,5% représenterait un véritable coup de pouce à la mobilité résidentielle.
De l'autre, les représentants bancaires, notamment la Fédération bancaire française (FBF), émettent de sérieuses réserves. Leurs arguments pointent des risques économiques et prudentiels non négligeables : rigidité accrue du bilan des banques qui devraient continuer à financer à des taux anciens alors qu'elles empruntent elles-mêmes aux conditions actuelles du marché, complexité juridique liée au transfert des garanties d'un bien à l'autre, et risque de voir les banques compenser ces pertes potentielles en augmentant les taux initiaux pour tous les nouveaux emprunteurs, pénalisant ainsi particulièrement les primo-accédants.

Ce qu'il faut savoir sur la portabilité aujourd'hui
Bien que rarement proposée, la portabilité existe déjà techniquement. Lorsqu'elle est mise en œuvre, elle fonctionne selon certaines règles bien précises qu'il convient de connaître.
Premièrement, elle nécessite systématiquement l'accord express de votre banque. Vous ne pouvez pas l'imposer unilatéralement. Deuxièmement, elle s'opère généralement au sein du même établissement bancaire : vous ne pouvez pas "porter" votre prêt vers une banque concurrente. Troisièmement, même avec une clause de portabilité, tout peut être réanalysé par la banque au moment du transfert : votre éligibilité, les garanties sur le nouveau bien, le montant restant dû, les caractéristiques du nouveau bien immobilier, et bien sûr votre solvabilité actuelle.
La banque conserve donc une marge d'appréciation importante, même lorsque la clause existe dans votre contrat initial.
Les changements concrets si la loi était adoptée
Si cette proposition de loi voyait finalement le jour, les modifications pour les ménages français seraient significatives.
Vous pourriez conserver votre taux ancien favorable sur votre nouveau projet immobilier, dans la limite du capital restant dû sur votre prêt initial. Si votre nouveau bien coûte plus cher, vous auriez la possibilité de souscrire un prêt complémentaire pour financer la différence, tout en conservant les conditions avantageuses sur la partie transférée.
Les pénalités liées au remboursement anticipé, qui peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros, disparaîtraient de l'équation. Les démarches entre la vente de votre bien actuel et l'achat du nouveau seraient considérablement simplifiées, puisque vous n'auriez pas à constituer un nouveau dossier complet de crédit.
Cette mesure pourrait particulièrement intéresser les ménages qui ont contracté un prêt entre 2015 et 2021, période durant laquelle les taux étaient historiquement bas, souvent inférieurs à 1,5%.
Comment évaluer votre situation personnelle dès maintenant
Face à cette incertitude législative, plusieurs options s'offrent à vous pour anticiper ou optimiser votre situation.
Si vous envisagez un projet de déménagement à moyen terme et que vous avez souscrit un prêt à taux avantageux, vérifiez dès maintenant votre contrat de prêt initial. Certains contrats anciens peuvent encore contenir une clause de portabilité. Même si elle est rare, elle n'est pas impossible à trouver, particulièrement sur les prêts contractés avant 2016.
Un courtier en crédit immobilier peut réaliser un audit complet de votre offre actuelle, vérifier la présence ou l'absence d'une clause de portabilité dans votre contrat, simuler précisément un transfert de prêt par rapport à un nouveau crédit aux conditions actuelles, et calculer le seuil de rentabilité en tenant compte de l'ensemble des paramètres : différence de taux, frais de dossier, pénalités éventuelles, et coûts liés aux garanties.
Cette analyse vous permettra de déterminer concrètement si, dans votre cas particulier, la conservation de votre prêt actuel représenterait une économie significative ou si les contraintes et coûts associés rendraient un nouveau crédit plus intéressant.

En résumé
La proposition de loi n°2583 visant à rendre obligatoire la portabilité des prêts immobiliers représente une mesure potentiellement avantageuse pour de nombreux propriétaires, particulièrement ceux ayant bénéficié de taux historiquement bas ces dernières années.
Toutefois, en octobre 2025, le texte demeure à l'état de proposition non adoptée. Son examen a été suspendu depuis l'été 2024, et son avenir reste incertain. La portabilité demeure donc facultative et exceptionnelle dans la pratique bancaire actuelle.
Le débat reste ouvert entre les partisans d'une mesure favorisant la mobilité résidentielle et ceux qui alertent sur les risques pour l'équilibre du système bancaire français et l'accès au crédit des primo-accédants.
En attendant une éventuelle évolution législative, les emprunteurs souhaitant changer de logement doivent composer avec les règles actuelles et évaluer au cas par cas la meilleure stratégie pour leur projet immobilier.

Foire aux questions (FAQ)
Puis-je dès aujourd'hui demander la portabilité de mon prêt immobilier ?
Vous pouvez le demander à votre banque, mais celle-ci n'a aucune obligation d'accepter. La portabilité reste une clause facultative en 2025. Si votre contrat initial ne la prévoit pas expressément, et même s'il la prévoit, la banque conserve un droit d'appréciation sur votre situation actuelle avant de valider le transfert.
La portabilité me permettrait-elle de changer de banque tout en gardant mon taux ?
Non, la portabilité fonctionne uniquement au sein du même établissement bancaire. Vous ne pouvez pas transférer votre prêt et ses conditions avantageuses vers une banque concurrente. Si vous souhaitez changer d'établissement, vous devrez nécessairement solder votre crédit actuel et en souscrire un nouveau aux conditions du marché.
Que se passe-t-il si mon nouveau bien coûte plus cher que l'ancien ?
Dans ce cas, la portabilité s'applique uniquement au montant du capital restant dû sur votre prêt initial. Pour financer la différence, vous devrez souscrire un prêt complémentaire, qui sera lui négocié aux conditions actuelles du marché. Vous bénéficierez donc d'un montage hybride : une partie à votre ancien taux, une partie au nouveau taux.
Quels sont les principaux obstacles au transfert d'un prêt même avec une clause de portabilité ?
Plusieurs éléments peuvent compliquer ou empêcher le transfert : les garanties associées au nouveau bien (hypothèque, caution) doivent être acceptables pour la banque, votre situation financière actuelle sera réexaminée (revenus, stabilité professionnelle, taux d'endettement), et la destination du prêt doit généralement rester identique (résidence principale vers résidence principale, par exemple). Un changement significatif dans votre situation peut conduire la banque à refuser le transfert.
Si la loi passe, s'appliquera-t-elle aux prêts déjà en cours ?
Cette question cruciale n'est pas tranchée dans le texte actuel de la proposition. En règle générale, les dispositions législatives concernant les crédits ne sont pas rétroactives et s'appliquent aux nouveaux contrats. Il est probable que seuls les prêts souscrits après l'entrée en vigueur de la loi comporteraient obligatoirement la clause de portabilité. Pour les prêts existants, tout dépendrait de la rédaction définitive du texte et d'éventuels amendements.
Les pénalités de remboursement anticipé disparaissent-elles automatiquement avec la portabilité ?
En théorie oui, puisque vous ne remboursez pas anticipativement votre prêt, vous le transférez. C'est d'ailleurs l'un des avantages majeurs de ce mécanisme. Cependant, dans la pratique actuelle (hors loi), certaines banques peuvent prévoir des frais de transfert ou des conditions particulières. Si la loi était adoptée, elle devrait clarifier ce point pour éviter que les établissements ne contournent l'esprit du texte par des frais déguisés.
Un courtier peut-il m'aider même si la loi n'est pas encore votée ?
Absolument. Un courtier peut dès maintenant analyser votre contrat actuel pour vérifier l'existence d'une clause de portabilité, simuler différents scénarios (transfert vs nouveau crédit), calculer le coût total de chaque option, et vous conseiller sur le meilleur moment pour concrétiser votre projet en fonction de l'évolution des taux et de la situation législative. Cette expertise reste précieuse indépendamment du vote de la loi.










